Publié le 21 janvier 2021 – Mis à jour le 21 janvier 2021
Un texte de la Minute Recherche par Céline Darnon, Delphine Martinot et Alyson Sicard (LAPSCO, unité mixte de recherche CNRS / Université Clermont Auvergne).
Dans l'enseignement supérieur, les valeurs ? d'affirmation de soi ? (e.g., savoir se mettre en avant), associées à une certaine culture de la compétition sont souvent présentées comme propices à la réussite. Nous avons fait l' hypothèse que cette culture de mise en concurrence pourrait être en décalage avec les valeurs stéréotypiquement associées aux femmes (altruisme, coopération), ce qui pourrait nuire à leur engagement dans les études supérieures.
Dans une série de trois expérimentations, nous avons proposé à des étudiants et étudiantes de différentes filières (école d'ingénieurs, sciences humaines et sociales) un nouveau module de formation. En fonction de la condition à laquelle ils/elles étaient aléatoirement assigné.es, la réussite à ce module était présentée comme nécessitant soit des valeurs d'affirmation de soi (? Les étudiant.e.s qui réussissent ce module sont ceux/celles qui aiment prendre des décisions, diriger les autres, montrer à quel point ils sont compétent.e.s ?...), soit des valeurs d'altruisme (? Les étudiant.e.s qui réussissent ce module sont ceux/celles qui pensent qu'il est important que les gens soient traités de la même manière, ceux qui aiment apporter leur aide à autrui et savent écouter les différentes opinions ... ?).
Bien entendu, la présentation du contenu du module était identique dans les deux conditions, seule cette petite introduction variait d’une condition à l’autre.
Les résultats obtenus sont les mêmes pour toutes les filières étudiées. Comparativement au module supposé basé sur l'altruisme, celui supposé basé sur l'affirmation de soi a conduit les étudiantes à se sentir moins à l'aise, moins en capacité de réussir, et moins intéressées pour s' inscrire dans le module. Cela n'a pas été le cas des étudiants masculins qui manifestent autant d'intérêt pour les deux modules.
Ces résultats sont importants car ils montrent que la culture de la compétition touche inégalement les femmes et les hommes. Celle-ci pourrait contribuer à décourager les femmes à s'engager dans certaines filières per?ues comme compétitives. Cela pourrait également expliquer pourquoi plus on monte dans la hiérarchie académique, et plus l'écart entre le nombre d'hommes et de femmes se creuse, la mise en avant des valeurs d'affirmation de soi étant particulièrement prononcée pour les postes hauts placés dans la hiérarchie.