Publié le 22 mars 2019 – Mis à jour le 22 mars 2019
Un texte de la Minute Recherche par Cécile Gladine et Daniel Béchet (UNH, unité mixte de recherche INRA / Université Clermont Auvergne).
Tout le monde ne vieillit pas au même rythme et dans les mêmes conditions. On distingue donc l’?ge chronologique (le nombre d’années vécues), de l’?ge biologique qui fait référence à l’état de vieillissement de l’organisme. Au cours du vieillissement, la perte de masse et de force musculaires, aussi appelée sarcopénie, est une des atteintes structurelles et fonctionnelles les plus fréquentes puisqu’elle touche 50% des individus au-delà de 80 ans. C’est aussi un exemple typique qui illustre bien la variabilité interindividuelle face au vieillissement puisqu’à ?ge chronologique équivalent, certaines personnes présenteront une sarcopénie avancée tandis que d’autres seront peu atteintes. Ceci est lié à de nombreux facteurs génétiques ou environnementaux tels que l’alimentation ou l’activité physique.
Pour proposer des stratégies de prévention et de prise en charge efficaces de la sarcopénie, il faut commencer par bien identifier les phases précoces de cette maladie complexe afin d’intervenir avant que les atteintes musculaires ne soient trop importantes. Dans le cadre de l’étude que nous avons menée sur la cohorte PROOF (PROgnostic indicator OF cardiovascular and cerebrovascular events), nous avons émis l’hypothèse qu’une catégorie particulière de lipides sanguins appelés oxylipines, pourrait aider à mieux caractériser les altérations associées aux premières phases de développement de la sarcopénie. La mesure de ces oxylipines qui englobent des centaines de molécules pourrait notamment fournir une caractérisation sensible et complète de l’inflammation et du stress oxydant, deux processus sous-jacents au développement de la sarcopénie et au vieillissement en général.
Pour tester cette hypothèse, 43 sujets ?gés de 80 ans issus de la cohorte prospective PROOF ont été sélectionnés et répartis en 3 groupes en fonction de l’évolution de la masse musculaire de leurs membres (appendiculaire) au cours des 8 dernières années. Les individus du Groupe 1 présentaient une perte de masse musculaire tandis que les Groupes 2 et 3 présentaient respectivement une masse musculaire appendiculaire stable et augmentée. L’analyse de l’ensemble des oxylipines au niveau sanguin (encore appelée ? signature d’oxylipines ?) s’est révélée très informative puisqu’elle a mis en évidence chez les sujets sarcopéniques une activation des processus de résolution de l’inflammation et un léger stress oxydant qui n’étaient pas révélées par les marqueurs cliniques classiques tels que la protéine C réactive (CRP). Elle a par ailleurs fourni des informations complémentaires suggérant une activation des processus de coagulation sanguine en cohérence avec ce qui est décrit chez les patients atteints de sarcopénie et au cours du vieillissement en général. Dans l’ensemble, la signature d’oxylipines apporte de nouveaux éléments qui pourraient aider à mieux caractériser et comprendre les phases précoces de la sarcopénie.