La signature magnétique : statut thermique et magmatique d’une planète ?
Communiqué de presse.
La planète Mercure, Hermès en grec, présente un champ magnétique très faible, équivalent à 1 % du champ magnétique terrestre en intensité. L’état actuel des connaissances, selon lesquelles cette planète ne devrait plus émettre de champ magnétique, peine à expliquer cette particularité. Des chercheurs du Laboratoire Magmas et Volcans (CNRS – IRD – Université Clermont Auvergne) se sont intéressés à cette ? singularité ? et ont travaillé sur les propriétés thermiques, notamment la conduction de la chaleur, des roches susceptibles de composer le manteau herméen. Leurs travaux de recherche ont mis en évidence un lien entre la présence et l’intensité du champ magnétique et l’état physique interne de la planète (solide, liquide ou partiellement fondu). Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue Physics of the Earth and Planetary Interiors en mars 2021.
Le champ magnétique des planètes : une histoire de convection, mais pas que ?
Le champ magnétique terrestre, gr?ce auquel la vie est possible sur la planète, est principalement d? aux mouvements de convection du noyau métallique liquide et de son épais manteau rocheux, permettant ainsi une évacuation efficace de la chaleur. Le refroidissement intense des parties internes de la Terre et la convection vigoureuse du noyau métallique induite, sont en fait, les moteurs de la dynamo terrestre. En revanche, Mercure possède un très fin manteau rocheux surplombant un large noyau métallique. Une caractéristique héritée de sa formation à proximité du soleil où les poussières et météorites seraient appauvries en fraction rocheuse. L’évacuation de la chaleur ne peut alors se faire que par conduction, un système peu efficace, qui fait que le noyau se trouve isolé (refroidissement lent), ne circule pas vigoureusement, et n’engendre donc pas d’effet dynamo. On s’attendrait donc à ce qu’aucun champ magnétique ne soit enregistré sur Mercure. Or, il existe bel et bien un champ magnétique faible mesuré par les missions spatiales Mariner 10, Messenger et BepiColombo.
La littérature scientifique propose différentes solutions pour expliquer les observations actuelles : un noyau peu conductif, des couches de graphite entre le noyau et le manteau, la présence de magmas (maintenant ou plus t?t dans l'histoire de la planète) etc. mais il n’existe aucune donnée de conductivité thermique à pression et température réalistes pour le manteau de Mercure ni même des données sur les magmas (roches liquides et solides partiellement fondus).
Des chercheurs du Laboratoire Magmas et Volcans (LMV, CNRS – IRD – Université Clermont Auvergne) se sont penchés sur les propriétés thermiques du manteau de Mercure.
Expériences en laboratoire et modèles de calculs : l’état intérieur de Mercure
Les scientifiques ont reproduit en laboratoire les conditions du manteau de la planète Mercure, rocheux, peu épais, une pression équivalente à 20 000 fois la pression atmosphérique terrestre, et une température de 1 700 Kelvin. Gr?ce à une nouvelle méthode expérimentale, ils ont pu ainsi étudier la conductivité thermique des matériaux pouvant constituer le manteau herméen : roches solides, roches fondues et partiellement fondues. Les échantillons fondus révèlent des conductivités thermiques beaucoup plus faibles que les échantillons solides avec presque un ordre de grandeur de différence. Ceux partiellement fondus se situent entre les deux, leurs conductivités dépendent des conductivités des composants solides et liquides, de leur proportion relative mais aussi de leur disposition dans l’espace : des gouttes de magmas isolées sont moins isolantes que de fins chenaux percolant entre les grains. En utilisant ces résultats dans des modélisations prévisionnelles des flux de chaleurs, les chercheurs démontrent que la présence partielle de matériel fondu pourrait réduire considérablement la capacité du manteau à évacuer la chaleur du noyau et peut ainsi limiter, empêcher ou affecter la présence d'un champ magnétique planétaire. Ces modèles plus complets permettent non seulement de mieux comprendre Mercure et son refroidissement, mais permettent aussi de prédire les signatures magnétiques d’exoplanètes aux caractéristiques similaires.
Le fait d’enregistrer un champ magnétique sur Mercure laisse penser que son manteau actuel est donc solide. Les futures observations de planètes de type Mercure accrétées près de leur étoile et les détections de leurs signatures magnétiques pourraient fournir des informations sur leur état intérieur et leurs historiques en termes de fusion partielle et magmatisme.
Source :
Ces travaux ont fait l’objet d’une publication dans la revue Physics of the Earth and Planetary Interiors : D. Freitas, J. Monteux, D. Andrault, G. Manthilake, A. Mathieu, F. Schiavi, N. Cluzel, Thermal conductivities of solid and molten silicates: Implications for dynamos in mercury-like proto-planets,
Physics of the Earth and Planetary Interiors, Volume 312, 2021, 106655, ISSN 0031-9201,
https://doi.org/10.1016/j.pepi.2021.106655
(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0031920121000133 )
Pour en savoir plus :
Sur le LMV : http://lmv.uca.fr/fr/
Contacts :
Chercheur Damien FREITAS Anciennement Doctorant / Laboratoire Magmas et Volcans Actuellement Chercheur post-doctorant / School of Geosciences, |
Presse Camille ARNAUD Chargée de communication scientifique Université Clermont Auvergne |